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Tolérer, c'est souffrir



Au sens courant, la tolérance est le fait de ne pas interdire ou d’exiger, alors qu’on le pourrait. C’est une attitude, qui consiste à admettre chez autrui une manière de penser ou d’agir différente de celle qu’on adopte soi même. Au XVIe siècle, ce mot revêt une autre définition. Etre tolérant c’est être indulgent à l’égard d’opinion d’autrui sur les points du dogme que l’Eglise ne considère pas comme essentiel. La tolérance renvoie à la liberté de pratique religieuse.
Le problème posé par le pluralisme religieux dans les Etats européens a suscité des réactions diverses. L’existence d’une vérité religieuse, seule garante du salut éternel face aux fausses pistes menant à la damnation, favorise l’intolérance. Ainsi les différentes confessions s’érigent en forteresses distingues les unes des autres et se combattent. Cependant, il existe dès le début de la Réforme, des personnes prônant la tolérance, pour la réunion de tous les chrétiens.

L’humaniste Erasme dans une lettre datant du 22 mars 1523, adressée au Pape Adrien VI, engage le souverain pontife à user de douceur envers les protestants. Il est favorable à une idée de tolérance légale en se basant sur la charité. Dans le Nouveau Testament, Jésus Christ est un modèle de douceur, d’indulgence, de mansuétude et de pardon. Le catholicisme est une religion de paix et de concorde. En ce sens, il convient de mettre en avant les points communs et non les différences. Erasme est le parfait exemple de l’irénisme, une attitude de compréhension et de rapprochement entre personnes d’opinions différentes. Le but d’Erasme est de rassembler tous les chrétiens au sein d’un catholicisme réformé. Il n’est pas question de diviser l’Eglise.
Cette position trouve des échos chez les protestants. Le régent du collège de Genève, Sébastien Castellion dans son ouvrage Des Hérétiques (1553) dénonce l’attitude de Calvin, suite à l’exécution du médecin Michel Servet. Il ne faut pas condamner les fidèles pensant différemment. Pour convertir seule la parole compte, pas la violence.

Le principe sola fide, sola scriptura prôné par Luther donne une liberté au chrétien. Il développe l’idée du sacerdoce universel et de l’égalité des chrétiens devant Dieu. Le fait que chacun puisse développer ses propres idées, tend à favoriser l’acceptation de l’autre. Le dogme est libéré des préceptes et des commandements dictés et imposés par une autorité humaine, qui n’autorise aucun écart. Ainsi, l’autorité politique ne doit pas intervenir dans la sphère ecclésiale. L’hérésie ne doit pas être combattue par le pouvoir civil. Néanmoins suite à la guerre des paysans de 1525, Luther encourage les princes à intervenir pour favoriser la prédication et empêcher la diffusion de fausses doctrines.
Cette idée de libre choix se retrouve chez les anabaptistes. Ces derniers rejettent toute autorité et n’admettent que la révélation intérieure faite par Dieu à chaque âme. La notion d’individu est mise en avant. Chacun est différent. De plus, les anabaptistes ne valident que le baptême des adultes.

En France, les Moyenneurs tel Georges Cassander, recherchent une voie moyenne entre les deux confessions. Ils rejettent à la fois l’excès de sévérité et l’excès d’indulgence. Ils s’appuient sur le pouvoir royal pour servir d’arbitre. Lors des guerres de religion, les Politiques composés de nobles et de juristes désirent préserver le royaume à tout prix. La raison d’Etat devient supérieure à la religion.


Au XVIe siècle, la tolérance c’est accepter provisoirement la dualité religieuse issue de la Réforme faute de pouvoir la faire disparaître. Soit on ne reconnaît pas la validité des opinions religieuses, mais on sépare le croyant du sujet, soit on reconnaît la faillibilité humaine et on accepte le fait qu’il existe plusieurs chemins pour adorer Dieu.

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