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Angleterre et Pays-Bas : qui contrôlera la mer, contrôlera le monde

La seconde moitié du XVIIe siècle, voit s’affronter l’Angleterre et les Pays Bas, appelés à l’époque les Provinces-Unies, pour la suprématie économique. Une première guerre éclate en 1652. Elle est courte et peu décisive. Les Néerlandais sont contre la guerre, car elle nuit au commerce. Leur dirigeant, Johann de Witt s’empresse de négocier avec Cromwell.




En 1658, l’Angleterre sort de la République de Cromwell et d’une période de chaos. Le nouveau roi Charles II, a à cœur de faire de nouveau prospérer son pays économiquement. Il s’appuie sur les théories mercantilistes. Ces dernières expliquent que le monde possède un nombre de richesse limité à l’échelle mondiale. N’ayant pas assez de débouchés, Il faut s’accaparer les richesses des autres. Or au XVIIe siècle, les Provinces-Unies sont dirigées par des bourgeois marchands. Elles tiennent le commerce mondial. Leurs navires sont présents sur toutes les mers du globe. Leurs comptoirs constituent un réseau planétaire. En 1664, Charles II charge le colonel Nicols de s’emparer de la colonie néerlandaise de Manhattan, afin de la confier au gouvernement de son frère Jacques duc de York. Les deux milles soldats anglais sont opposés aux 150 soldats néerlandais. Le gouverneur de la Nouvelle Amsterdam négocie la reddition. En échange de leur allégeance envers Charles II, les colons conservent leurs droits et leur liberté religieuse. Manhattan est rebaptisé New York. Dans le même temps, Robert Holmes s’empare des comptoirs néerlandais le long des côtes africaines. Ces attaques constituent une agression en temps de paix.




Johann de Witt veut les reprendre. Il lance la construction d’une vaste flotte, qu’il place sous le commandement de l’Amiral Ruyter, qui reprend une large partie des comptoirs perdus. La seconde guerre est inévitable et débute en 1665. Les Provinces-Unies n’ont pas de flotte nationale. Il s’agit d’une union de cinq amirautés, qui ne cessent de se quereller. De Witt choisit le baron Van Obdam pour commander la flotte, car Ruyter n’est pas encore rentré d’Afrique. Côté anglais, c’est le duc York en personne qui commande la flote. Les vaisseaux anglais sont massifs et offrent une bonne puissance de feu. C’est la raison pour laquelle, ils privilégient une formation linéaire. A l’inverse au vue de leurs navires, les Néerlandais optent pour l’abordage et misent sur la vitesse.




Le point culminant de la guerre est la bataille de Lowestoft en 1666. Les Anglais remportent une victoire écrasante. Van Obdam meurt dans l’explosion du vaisseau amiral. Les néerlandais comptent 5.000 morts et perdent 17 vaisseaux. Les Provinces-Unies subissent en même temps une attaque terrestre venant d’Allemagne. En effet, Charles II a convaincu l’évêque de Münster d’engager ses troupes, afin de récupérer les territoires, qu’il revendiquait. Elles font appel à la France première puissance terrestre d’Europe, ce qui leur permet de se concentrer sur les combats navals. Avec l’entrée de la France, les Anglais sont obligés de diviser leur flotte en deux : une dans la Manche contre les Français et une en Mer du Nord contre les Néerlandais. Ces derniers ont retenu les enseignements de Lowestoft et adopte la stratégie et la formation anglaise. Ainsi, ils remportent la bataille des Quatre Jours. Seulement, cette victoire est symbolique. Les Anglais ne perdent que dix vaisseaux. La flotte est vite reconstituée et grâce au système de recrutement autoritaire appelé la presse, dispose d’un nombre important de marins. Ainsi, les Anglais remportent la bataille de Saint Jack quelques mois plus tard.


Les navires anglais dominent la mer du Nord. Ils empêchent les navires marchands de pénétrer ou de sortir des Provinces-Unies. Holmes mène des raids sur la terre, brûlant et saccageant tous les ports et entrepôts. Il s’agit des feux de joie de Holmes. Les pertes s’élèvent à plusieurs millions de livres pour les Provinces Unies.




Louis XIV veut consolider la frontière nord de la France. En 1667, il envahit les Pays-Bas espagnols, que les Néerlandais souhaitaient conserver comme zone tampon. Inquiet de l’avancée des troupes françaises, de Witt entame des négociations avec Charles II. Ce dernier en position de force n’est pas pressé de signer la paix. De Witt veut lui forcer la main. La flotte de Ruyter s’engouffre de nuit dans la Tamise. Ils parviennent à traverser la chaîne de Cullingham qui en bloque l’accès et à déjouer les canons de la forteresse de Knocht. La flotte anglaise est attaquée dans ses arsenaux sans pouvoir se défendre. Charles II n’a plus les moyens de poursuivre la guerre et signe la paix. Il garde New York, mais doit rendre les comptoirs en Indonésie et en Afrique.




En 1670, la France déclare la guerre aux Provinces-Unies. Par le traité de Douvres, l’Angleterre s’allie à Louis XIV. Grâce aux crédits français, la flotte anglaise est reconstituée. Charles II souhaite placer à la tête des Provinces-Unies son neveu Guillaume III d’Orange. De Witt n’a pas le choix. Face aux Français, il doit mettre sur pied une armée terrestre et doit en confier le commandement à Guillaume d’Orange.


En 1672, la troisième guerre anglo-néerlandaise débute. Cette fois, c’est une guerre de conquête. Les Provinces-Unies luttent pour leur survie. De Witt ordonne d’attaquer et d’anéantir la flotte anglaise le plus rapidement possible, afin d’effrayer les Français, qui ne rencontrent que peu de résistance sur terre. Face aux défaites successives, de Witt est renversé et mis à mort. Guillaume d’Orange le remplace. Il inonde le pays en ouvrant les digues, pour enrayer l’avancée française. Sur mer, les Néerlandais s’en sortent mieux. Ils remportent la victoire de Texel en 1673, où les vaisseaux français n’ont pas soutenus leurs alliés anglais. En 1685, Charles II meurt. Son frère, Jacques II lui succède. Néanmoins son catholicisme et son autoritarisme lui vouent la haine du peuple. Il est renversé et s’enfuit en France. C’est Guillaume d’Orange, ayant épousé sa fille qui lui succède. Il allie l’Angleterre et les Provinces-Unies contre Louis XIV.






Les guerres anglo-néerlandaises ont ruiné la première puissance économique européenne. L’étroitesse de leur territoire, la faiblesse numérique de leur population et l’insuffisance de leurs institutions politiques ne permettent pas aux Provinces-Unies de retrouver leur niveau antérieur, malgré la possession de nombreux ports et comptoirs sur tout le globe. De plus, Guillaume III est davantage tourné vers l’Angleterre. Son pays d’origine se retrouve subordonné politiquement à l’Angleterre. Les Provinces-Unies ont donc perdu le conflit visant à la suprématie économique et maritime mondial au profit de l’Angleterre. Jusqu’en 1914, c’est bien l’Angleterre qui possédera la suprématie économique, renforcée par la révolution industrielle et la flotte la plus puissante, faisant d’elle la première puissance mondiale.

Commentaires

  1. Merci pour cet article aussi synthétique qu'éclairant. J'ai appris quelque chose que j'ignorais complètement. A quoi tiennent les empires...

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