Accéder au contenu principal

Et Homère vit Alexandrie: Légende d'une fondation par le rêve d’Alexandre le Grand

La tradition veut que le jeune roi macédonien, Alexandre, ayant défait par deux fois les armées du Grand Roi Darius III, entre en Égypte en libérateur. Il n'y restera guère qu'un an et pourtant ce voyage dans le pays millénaire des pharaons est une étape nécessaire dans le « devoir de conquête » d'Alexandre. Depuis l'enfance, il entend de la bouche de sa mère Olympias qu'il est le fils prodigue du dieu Amon-Zeus (les deux divinités sont considérées comme une entité semblable par les deux cultures) et doit faire reconnaître sa filiation divine par l'incontestable oracle du dieu Amon, caché dans le désert égyptien au sein de l'oasis de Siwa. Il se fait également proclamer pharaon et s'inscrit dans la lignée des pharaons en faisant reconstruire les temples abandonnés par les Perses et en rendant le culte aux divers dieux du panthéon. Mais, surtout, Alexandre a une idée derrière la tête. Une idée de génie : créer un immense comptoir commercial donnant sur la Méditerranée, une ville riche qui serait la plaque tournante du savoir, des cultures, du commerce et une grande capitale de l'empire qu'il est en train de dessiner. Elle s’appellera Alexandrie. Alexandrie la Grande.

Le lieu de fondation de la cité n'est pas choisi au hasard. Quoi qu'en disent les diverses légendes, Alexandre porte son choix sur une bande de terre connue, certes marécageuse, mais qui a l’avantage de donner sur la mer et d'être approvisionnée en eau douce. De par son importance, son positionnement en fera un passage nécessaire entre le Nil et la Méditerranée, une sorte de comptoir grec en terre d’Égypte. Là, une très petite communauté de bergers et de petits agriculteurs occupe probablement déjà ce site qui pourrait – mais l'archéologie ne l'a pas encore prouvé – avoir abrité une ancienne cité ou un bastion militaire. Enfin, cette terre possède l'immense avantage d'être citée dans l’Odyssée d'Homère : au bout d'un bras de terre pourfendant la mer, émerge des flots l'île de Pharos, sur laquelle Ménélas, roi de Sparte et mari d'Hélène, vint s'échouer à son retour de Troie et dut affronter la divinité Protée. Cette île de Pharos abritera le célèbre édifice qui portera son nom : le phare d'Alexandrie. Une telle source d'inspiration ne peut déplaire à Alexandre qui garde à ses côtés en toute circonstance – sauf peut-être au combat - une version de l’Iliade que pourrait lui avoir  offert Aristote pendant sa formation à Mieza. Homère serait alors la muse inspiratrice de la fondation de la cité. A titre d'anecdote : à son entrée en Asie, Alexandre se recueille sur la tombe d'Achille à Troie et récupère les armes supposées du fils du roi Pélée, preuve de son attachement à la mythique histoire de l'âge d'or décrite par le poète aveugle.

Alexandrie ne naît pas que du désir d'un seul homme. Elle est voulue et approuvée par les dieux ! En effet, les légendes sont nombreuses quant à l'intervention des divinités dans la fondation et la construction de la cité. Sérapis, future divinité poliade de la ville et de l’Égypte, née du syncrétisme entre la religion grecque et égyptienne, inspire Alexandre par un songe lui annonçant la réussite future de sa cité qui sera pour lui comme un tombeau sur lequel de nombreuses générations viendront le vénérer. Oublions cette fable, élaborée par la dynastie ptolémaïque après la mort du conquérant, qui cherchait avant tout à légitimer le rapatriement du corps d'Alexandre à Alexandrie. Les diverses sources racontent qu'Amon-Zeus intervient à de nombreuses reprises dans l'épopée de son « fils ». Les oiseaux (corbeaux, aigles...), emblèmes du souverain de l'Olympe, apparaissent plusieurs fois en Égypte. La première fois concerne la fondation d'Alexandrie. Ne disposant ni de chaux ni de terre blanche pour tracer au sol les limites des rues et des bâtiments, Alexandre fait verser en remplacement de la farine blanche destinée initialement à la ration des soldats. La volonté du dieu de l'Olympe apparaît sous la forme d'une nuée d'oiseaux qui picorent l'ensemble de la farine. Horreur ! Est-ce un funeste présage ? Non, répond Aristande, le devin attitré du roi : au contraire, les oiseaux se nourrissant bien est un signe que la cité sera opulente, riche et apportera la prospérité à ses habitants. Amon ou bien même Zeus fait également apparaître sur les chantiers des serpents qui, sortant de terre, n'attaquent aucunement les ouvriers et gardent les pierres !

La vie d'Alexandre le Grand est une épopée si fabuleuse qu'elle en devient le plus souvent plus légendaire que véridique. Et pourtant, il y a une part en nous qui voudrait croire à la geste symbolique de ce fabuleux personnage de l'Histoire. Alors, bien évidemment, la fondation de la merveilleuse cité d'Alexandrie – une des plus vieilles cités du monde antique encore debout et en activité – épouse le même chemin que son créateur, à savoir un choix voulu par les dieux, l'apparition de phénomènes extraordinaires et un avenir décrit en tout point comme radieux. Laissons à Sérapis le mot de la fin :

« Voici le privilège de cette ville : elle sera traversée de belles eaux, n’aura pas d’égale pour la masse de ses populations, et se distinguera par la douceur de son climat. C’est moi qui en serai le protecteur, afin qu’aucun malheur, soit famine, soit séisme, ne la frappe de manière fatale, mais en sorte qu’on la traverse en filant comme un songe. Beaucoup de rois y viendront, non pour y faire la guerre, mais pour empressés de s’y prosterner. Quant à toi, une fois que tu auras rejoint les dieux, tu recevras l’hommage des prosternations devant ton cadavre et tu ne cesseras jamais de recevoir les offrandes d’une multitude de rois. Tu habiteras aussi à la fois mort et vivant : car tu auras pour tombeau cette ville que tu édifies »                                    
                                                                                               Roman d’Alexandre, Pseudo-Callisthène

Autant de légendes sur la cité d'Alexandrie que vous pouvez retrouver dans l'excellent ouvrage de Paul-André Claudel : ''Alexandrie, Histoire d'un mythe'' aux éditions ellipses.

Découvrez d'autres aventures d'Alexandre le Grand en cliquant : ici

Découvrez d'autres histoires égyptiennes en cliquant: ici

Découvrez d'autres histoires de la Grèce Antique en cliquant: ici


Retrouvez-nous sur Facebook en cliquant: ici


Un message à nous envoyer: lesitedelhistoire2@laposte.net




Commentaires

Les articles les plus consultés

Lilith, la première femme de la Bible et d'Adam

Avez-vous d é j à lu la Bible? En entier? Peu l'ont fait! Au moins la Gen è se alors! La Gen è se? Mais si, le d é but, l'intro' ! Lorsque Dieu cr é e le ciel, la terre, les ê tres vivants et enfin l'homme Adam! Enfin, Adam et È ve... Vous connaissez cette histoire et souvent peu le reste. Lorsque je discute de la Bible avec des amis ou des é l è ves - pas toujours ignorants du fait religieux - je remarque souvent un ab î me d'ignorance de l'histoire biblique comme si on passait directement d'Adam à J é sus. Ah si: les gens connaissent aussi Abraham et Mo ï se. J'ai toujours aim é le d é but des histoires. La Bible ne fait pas exception. Je ne sais pas combien de fois j'ai pu lire et relire la Gen è se. Et puis un jour, un passage m'a turlupin é . Le sixi è me jour, Dieu d é cida de remplir la terre d'animaux, d'oiseaux et de bestioles. Puis, il est é crit: Chapitre 1: 26 Dieu dit : « Faisons l ’ homme à notre image, se

Alexandre le Grand homosexuel ? Le doute Hephaestion

Il est un fait, sur la possible homosexualité d’Alexandre, qu’il faut relever immédiatement. De toute sa vie, aucun acteur privilégié, c’est à dire proche du conquérant – et ils sont nombreux -  n’a jamais affirmé ou constaté de visu le voir pratiquer une relation sexuelle avec un autre homme. Cependant aucun non plus n’affirme qu’il n’en a jamais eue. La seule énigme tourne autour du seul et même homme avec qui il partage très souvent son quotidien: H é phaestion. Savoir si ces deux hommes ont un jour ou l’autre sauté cette fragile frontière qui sépare la grande amitié de l’amour restera pour l’éternité en suspens… du moins pour le moment ! Il faut s’attarder un instant sur l’ami intime d’Alexandre, celui qui lui sera toujours fidèle. H é phaestion naît à Pella, la même année qu’Alexandre. Fils d'Amyntas, un aristocrate macédonien, il reçoit également la même éducation que lui auprès du philosophe Aristote dans son adolescence. Il est un homme fort et beau. Certaines anecdo

Cléopâtre, son tapis et Jules César : Une Histoire d'Amour Épique et Mystérieuse qui a Bouleversé l'Empire Romain

Les amours passionnées entre la célèbre reine égyptienne Cléopâtre et le tout-puissant et charismatique Jules César forment un épisode à la fois mystérieux et envoûtant de l'histoire. Leur relation est digne des ébats charnels des dieux de l'Olympe. Au sein de leur amour naît un enfant légendaire et secret, Césarion, conférant à la reine une place singulière dans l'histoire et une renommée qui fait jaser du sénat romain jusqu'aux recoins les plus sombres de l'empire. Cléopâtre, descendante de Ptolémée Ier, général et compagnon d'Alexandre le Grand, est d'origine grecque, mais elle se distingue par son amour pour son peuple et son désir ardent de faire reconnaître l'Égypte comme la grande civilisation du monde méditerranéen, au même titre que Rome. Polyglotte, elle parle la langue de son peuple, une particularité sans précédent parmi les descendants de la dynastie des Ptolémées, qui règnent sur le trône depuis trois siècles.

Pasteur et la découverte du vaccin contre la rage

En 1879, Louis Pasteur, surnommé par René Dubos le « Franc-tireur de la science », a découvert le principe du vaccin et ceci grâce aux vacances d’été que celui-ci s’est octroyé. Tout grand esprit a besoin de repos. Le choléra des poules fait alors rage, depuis le printemps. Après plusieurs mois d’expériences infructueuses, Pasteur décide de se reposer et part rejoindre sa femme ainsi que toute sa famille dans sa maison de campagne. De retour dans son laboratoire, très détendu après ses congés estivaux, il reprend avec une grande motivation ses recherches, suivant le même procédé que celui établi jusque-là. Il inocule la bactérie du choléra sur des poules. Et il attend : une heure, deux heures. Aucune poule ne meurt. L’aiguille de l’horloge tourne et tourne pendant des heures, tout comme Pasteur dans son laboratoire. Rien ne se passe. Les poules sont toujours aussi pimpantes. Le chimiste de formation, loin d’être novice en matière d’expériences scientifiques, réfléchit : « Mais que

Hitler et Mussolini : quand l’élève dépasse le maître

En 1922, Benito Mussolini à la tête du parti fasciste italien, marche sur Rome et s’empare du pouvoir. Il transforme la démocratie en Etat fasciste. De l’autre côté des Alpes, Adolf Hitler observe ses actions. Mussolini est un modèle à suivre. Hitler organise son parti sur le modèle italien. L’année suivante, il tente lui aussi de marcher sur Berlin, pour s’emparer du pouvoir. C’est un échec. Il doit attendre les élections de 1933, pour accéder à la fonction de chancelier. La première entrevue entre les deux dictateurs se déroule à Rome en 1934. Le principal sujet réside dans la question autrichienne. Mussolini protège l’Autriche, qu’il considère comme une zone tampon face à l’Allemagne. Le meurtre du chancelier Dollfuss le 25 juillet 1934 par des sympathisants nazis est très mal vu par Rome. Mussolini envoie des troupes à la frontière, empêchant ainsi les nazis de prendre le pouvoir. Le Duce impose de par sa prestance. Vêtu de son bel uniforme, il apparaît comme l’homme fort au côté d

Aux origines de la galette bretonne

Chandeleur oblige, les crêpes sont de la partie ; et en Bretagne, qui dit crêpe, dit galette. L’histoire de la galette est étroitement associée à celle du blé noir, son principal ingrédient. C’est le parcours historique de cette céréale que nous allons retracer ici. Suivons à présent pas à pas la recette. Afin de réussir une bonne galette bretonne, accompagnons les croisés en Asie, au XIIe siècle. Après plusieurs milliers de kilomètres parcourus, des champs de fleurs roses s’étendent à perte de vue. Ce n’est pas un mirage, ni de simples fleurs d’ornement : les croisés découvrent le blé noir. Ils en prennent quelques plants, puis regagnent l’Europe avec des mules chargées de la précieuse semence. Mais le retour au Vieux Continent rime avec désillusion pour ces « chevaliers agricoles ». La culture de ce blé est exigeante et sa production reste faible. Néanmoins un espoir renaît du côté des exploitations d’une des régions françaises. Cet endroit est connu pour sa pluie :

Alexandre le Grand et Diogène: une rencontre de géant

Vous connaissez mon amour inconditionnel pour Alexandre le Grand. Aussi, aujourd'hui je vais vous conter un des épisodes qui m'a toujours marqué dans la vie du Macédonien : sa rencontre avec le célèbre philosophe cynique Diogène. De son entrevue, je crois, Alexandre en a retenu une leçon de vie qu'il essaiera, avec plus ou moins de bonheur ou de réussite, de s'appliquer tout au long de sa courte vie : l'humilité. Nous sommes en 335 avant notre ère. Alexandre n'est pas encore Alexandre le Grand et il n'a pas encore vingt-un ans. Pourtant, il est déjà craint par les Grecs... Bientôt par les Perses. En attendant, le jeune roi macédonien vient d'épater tous ceux qui doutaient encore de lui. Voilà quelques mois, son père Philippe mourrait sous les coups de couteaux de Pausanias - amant blessé - et la Grèce soumise décide alors de se révolter sous l'égide du meneur Démosthène et de la cité d'Athènes. Alexandre, fou de rage devant tant de traîtrise,

Hypatie d'Alexandrie, une femme seule face aux chrétiens

Alexandrie, ville de savoir ; ville de délices ; ville de richesses ! Et pourtant parfois, ville décadente et théâtre des pires atrocités faisant ressortir le vice animal, dénué de toute philosophie civilisatrice. En 415 de notre ère, cette Alexandrie, cité révérée et donnée en exemple, va connaître les premiers signes de sa décadence : elle assassine une des plus grandes savantes et philosophes de l’histoire de l'humanité, la belle et intelligente Hypatie. Née vers 370, Hypatie a environ dix ans lorsque l’empereur Théodose proclame la foi chrétienne comme étant la religion officielle de l’empire. Théodose met fin à un millénaire de stabilité religieuse et installe une religion qui tend à la prédominance   et qui, par l’intolérance qu’elle exerce, met l’empire en proie à des révoltes incessantes.  Moins d’un siècle suffira à le faire définitivement chuter ! Les chrétiens avaient été plusieurs fois massacrés – souvent injustement – servant de boucs émissaires quand la situation l’i

Le destructeur du nez du sphinx

Voilà bien longtemps que les hommes de la riche et nourricière terre d’Egypte le contemple. On vient également de loin pour se recueillir devant lui. Le Sphinx, cet être gigantesque que les plus grands hommes révèreront comme un dieu est un porte bonheur ! Né de la volonté du pharaon Khéphren, ce mastodonte taillé dans la roche garde depuis 2500 av. notre ère environ le plateau de Guizèh et ses somptueuses tombes : les pyramides de Khéops, Khéphren et Mykérinos. Le Sphinx parcourt les siècles avec aisance bien qu’il faille régulièrement le déterrer car le sable, inlassablement, vient le recouvrir jusqu’aux épaules. La chrétienté puis l’islam passent et le culte du dieu lion à tête d’homme s’éteint progressivement sans toutefois totalement disparaître. Les musulmans d’Egypte le considèrent tel un génie et l’admirent comme une œuvre d’art défiant la nature et rendant grâce au génie humain voulu par Dieu. Malheureusement, les belles heures théologiques, bien souvent plus intellectuelles