Accéder au contenu principal

Fantômes et légendes :Napoléon et l'apparition de Mantoue

Le surnaturel n'est pas l'apanage des fous. Dans notre histoire de grands hommes, renommés, ont eu affaire avec le surnaturel. Si la notion d'intervention « extra-terrestre » est plutôt rare, ou nullement analysée comme telle par les hommes du passé, les rapports avec des interventions de l'au-delà sont courants, voir même hebdomadaires depuis que l'homme sait écrire. Nous parlons ici de fantômes, êtres que l'on aime à représenter avec des capes blanches mais qui, dans les récits, apparaissent le plus souvent en habit, parlent et ne surgissent pas pour faire peur. Néanmoins, ils dégagent à ceux qui les voient toujours la même sensation de mal-être. C'est ainsi que Napoléon, témoin indirect, mais dont la foi et la parole ne sont pas - toujours - à remettre en doute, a déjà eu affaire avec le surnaturel.

L’Empereur croyait-il aux fantômes ? On peut en effet le supposer. Cependant, l'anecdote que je me plais à vous conter ici, n'est pas directement liée à la vie de ce dernier mais à une histoire dont il a entendu parler. Napoléon n'est alors que le général Bonaparte et il rentre de sa campagne d’Égypte. Bientôt il renversera le Directoire et deviendra Premier Consul, dernière étape avant son titre suprême. Sur le bateau qui le ramène des sables du pays des pharaons, Napoléon Bonaparte profite d'une nuit douce de cette fin d'août 1801, éclairée par la lune et d'un ciel constellé d'étoiles, pour discuter avec Gaspard Monge, mathématicien et Claude Louis Berthollet, mathématicien, qui faisaient parti de la légendaire expédition d’Égypte. Le cœur léger - Bonaparte a échappé au redoutable Nelson - et l'esprit rêveur, probablement dû à la fatigue et à la douceur ambiante, il se laisse aller à raconter une histoire extraordinaire qui est arrivé au capitaine Aubelet pendant sa précédente campagne d'Italie de 1796 à 1797.

Les deux scientifiques écoutent avec attention les paroles du général. Comme de nouveaux spectateurs, asseyons-nous auprès d'eux et écoutons. Il est presque minuit, une légère brise accompagne notre bateau. Les côtes françaises ne sont pas à portée de vue. Nous sommes seuls au milieu de la Méditerranée.

  • « Vous niez le merveilleux, dit Bonaparte en s'adressant à Monge.
  • Mais, mon général, nous autres, scientifiques, sommes un peu comme saint Thomas. Et puis, la science a démontré beaucoup de faits qui sont devenus, depuis, naturels ! lui rétorque Monge.
  • Donc, vous niez le merveilleux, même si la science ne peut expliquer les phénomènes. Mais nous vivons au milieu du merveilleux ! »

Le regard du militaire devient subitement noir, plus sombre encore que la nuit qui les entoure. Regardant tour à tour ses deux interlocuteurs, Bonaparte balaye d'un revers de main toute réponse. C'est lui qui parle :

  • « Avec mépris vous avez rejeté de votre mémoire, me disiez-vous un jour, les circonstances extraordinaires qui ont accompagné la mort du capitaine Aubelet...
  • Nous en avons déjà parlé ...
  • N' interrompez pas et écoutez-moi. Voici la vérité nue. Le 9 septembre, à minuit, le capitaine Aubelet était au bivouac devant Mantoue. A la chaleur accablante du jour succédait une nuit rafraîchie par les brumes qui s'élevaient au-dessus de la plaine marécageuse. Aubenet, tâtant son manteau, le trouva mouillé. Comme il sentait un léger frisson, il s'approcha d'un feu sur lequel les grenadiers avaient posé la soupe et se chauffa les pieds, assis sur une scelle de mulet. Il entendait au loin le hennissement des chevaux et le cri régulier des sentinelles.

    Le capitaine était là depuis quelques temps, anxieux, triste, le regard fixé sur les cendres du brasier, quand une grande forme vint, sans bruit, se dresser à ses côtés. Il la sentait près de lui et n'osait tourner la tête. Il la tourna pourtant et reconnut le capitaine Demarteau, son ami qui, selon la coutume, appuyait sur sa hanche le dos de sa main gauche et se balançait légèrement. À cette vue, le capitaine Aubenet sentit ses cheveux se dresser sur sa tête. Il ne pouvait douter que son frère d'armes ne fut prêt de lui et il lui était impossible de le croire, puisqu'il savait que le capitaine Demarteau se trouvait alors sur le Main avec Jourdan, que menaçait l'archiduc Charles. Mais l'aspect de son ami ajoutait à sa terreur, par quelque chose d'inconnu qui se mêlait à son parfait naturel. C'était Demarteau et c'était en même temps ce que personne n'eût pu voir sans épouvante. Aubenet ouvrit la bouche. Mais sa langue glacée ne put former aucun son. C'est l'autre qui parla :

    « Adieu ! Je vais où je dois aller. Nous nous reverrons demain. » Et il s'éloigna.

    Le lendemain, Aubenet fut envoyé en reconnaissance à San Giorgio. Avant de partir, il appela le plus ancien lieutenant et lui donna des instructions.


    « Je serai tué aujourd'hui, ajouta-t-il, aussi vrai que Demarteau a été tué hier. »

    Il compta à plusieurs officiers ce qu'il avait vu dans la nuit. Ils crurent qu'il avait un accès de fièvre qui commençait à travailler l'armée dans les marécages de Mantoue. La compagnie Aubelet reconnut, sans être inquiété, le fort de San Giorgio. Son objectif ainsi atteint, elle se replia sur nos positions. Elle marchait sous le couvert d'un bois. Le plus ancien lieutenant s'approchant du capitaine, lui dit :

    « Vous n'en doutez plus, mon capitaine, nous vous ramènerons vivant ! »

    Aubelet allait répondre, quand une balle siffla dans le feuillage, le frappant au front. Quinze jours plus tard, une lettre du général Joubert annonçait la mort, le 9 septembre, du capitaine Demarteau « 

Au fur et à mesure qu'il énonçait son récit, une petite troupe de curieux s'était joint à l’assistance. Les derniers mots de Bonaparte avaient donné la chair de poule aux différents protagonistes. Les plus courageux jurèrent que c'était la brise nocturne et tout le monde retourna à son sommeil ou à son occupation. Bonaparte, quant à lui, s'endormit presque aussitôt, écrasé par un destin qui s’avérera plus grandiose que ce qu'il pouvait déjà imaginer. A Alexandrie et en Égypte, les fantômes des pharaons, d'Alexandre ou de Marc Antoine lui sont peut-être apparus ... A-t-il cru rêver ? Je suis certain qu'au fond de lui, si la chose lui est réellement arrivée, il espéra longtemps que ces apparitions étaient prémonitoires d'un avenir glorieux. Comment lui donner tort ?

Et vous ? Croyez-vous aux fantômes ?

Commentaires

Les articles les plus consultés

Lilith, la première femme de la Bible et d'Adam

Avez-vous d é j à lu la Bible? En entier? Peu l'ont fait! Au moins la Gen è se alors! La Gen è se? Mais si, le d é but, l'intro' ! Lorsque Dieu cr é e le ciel, la terre, les ê tres vivants et enfin l'homme Adam! Enfin, Adam et È ve... Vous connaissez cette histoire et souvent peu le reste. Lorsque je discute de la Bible avec des amis ou des é l è ves - pas toujours ignorants du fait religieux - je remarque souvent un ab î me d'ignorance de l'histoire biblique comme si on passait directement d'Adam à J é sus. Ah si: les gens connaissent aussi Abraham et Mo ï se. J'ai toujours aim é le d é but des histoires. La Bible ne fait pas exception. Je ne sais pas combien de fois j'ai pu lire et relire la Gen è se. Et puis un jour, un passage m'a turlupin é . Le sixi è me jour, Dieu d é cida de remplir la terre d'animaux, d'oiseaux et de bestioles. Puis, il est é crit: Chapitre 1: 26 Dieu dit : « Faisons l ’ homme à notre image, se

Alexandre le Grand homosexuel ? Le doute Hephaestion

Il est un fait, sur la possible homosexualité d’Alexandre, qu’il faut relever immédiatement. De toute sa vie, aucun acteur privilégié, c’est à dire proche du conquérant – et ils sont nombreux -  n’a jamais affirmé ou constaté de visu le voir pratiquer une relation sexuelle avec un autre homme. Cependant aucun non plus n’affirme qu’il n’en a jamais eue. La seule énigme tourne autour du seul et même homme avec qui il partage très souvent son quotidien: H é phaestion. Savoir si ces deux hommes ont un jour ou l’autre sauté cette fragile frontière qui sépare la grande amitié de l’amour restera pour l’éternité en suspens… du moins pour le moment ! Il faut s’attarder un instant sur l’ami intime d’Alexandre, celui qui lui sera toujours fidèle. H é phaestion naît à Pella, la même année qu’Alexandre. Fils d'Amyntas, un aristocrate macédonien, il reçoit également la même éducation que lui auprès du philosophe Aristote dans son adolescence. Il est un homme fort et beau. Certaines anecdo

Cléopâtre, son tapis et Jules César : Une Histoire d'Amour Épique et Mystérieuse qui a Bouleversé l'Empire Romain

Les amours passionnées entre la célèbre reine égyptienne Cléopâtre et le tout-puissant et charismatique Jules César forment un épisode à la fois mystérieux et envoûtant de l'histoire. Leur relation est digne des ébats charnels des dieux de l'Olympe. Au sein de leur amour naît un enfant légendaire et secret, Césarion, conférant à la reine une place singulière dans l'histoire et une renommée qui fait jaser du sénat romain jusqu'aux recoins les plus sombres de l'empire. Cléopâtre, descendante de Ptolémée Ier, général et compagnon d'Alexandre le Grand, est d'origine grecque, mais elle se distingue par son amour pour son peuple et son désir ardent de faire reconnaître l'Égypte comme la grande civilisation du monde méditerranéen, au même titre que Rome. Polyglotte, elle parle la langue de son peuple, une particularité sans précédent parmi les descendants de la dynastie des Ptolémées, qui règnent sur le trône depuis trois siècles.

Pasteur et la découverte du vaccin contre la rage

En 1879, Louis Pasteur, surnommé par René Dubos le « Franc-tireur de la science », a découvert le principe du vaccin et ceci grâce aux vacances d’été que celui-ci s’est octroyé. Tout grand esprit a besoin de repos. Le choléra des poules fait alors rage, depuis le printemps. Après plusieurs mois d’expériences infructueuses, Pasteur décide de se reposer et part rejoindre sa femme ainsi que toute sa famille dans sa maison de campagne. De retour dans son laboratoire, très détendu après ses congés estivaux, il reprend avec une grande motivation ses recherches, suivant le même procédé que celui établi jusque-là. Il inocule la bactérie du choléra sur des poules. Et il attend : une heure, deux heures. Aucune poule ne meurt. L’aiguille de l’horloge tourne et tourne pendant des heures, tout comme Pasteur dans son laboratoire. Rien ne se passe. Les poules sont toujours aussi pimpantes. Le chimiste de formation, loin d’être novice en matière d’expériences scientifiques, réfléchit : « Mais que

Hitler et Mussolini : quand l’élève dépasse le maître

En 1922, Benito Mussolini à la tête du parti fasciste italien, marche sur Rome et s’empare du pouvoir. Il transforme la démocratie en Etat fasciste. De l’autre côté des Alpes, Adolf Hitler observe ses actions. Mussolini est un modèle à suivre. Hitler organise son parti sur le modèle italien. L’année suivante, il tente lui aussi de marcher sur Berlin, pour s’emparer du pouvoir. C’est un échec. Il doit attendre les élections de 1933, pour accéder à la fonction de chancelier. La première entrevue entre les deux dictateurs se déroule à Rome en 1934. Le principal sujet réside dans la question autrichienne. Mussolini protège l’Autriche, qu’il considère comme une zone tampon face à l’Allemagne. Le meurtre du chancelier Dollfuss le 25 juillet 1934 par des sympathisants nazis est très mal vu par Rome. Mussolini envoie des troupes à la frontière, empêchant ainsi les nazis de prendre le pouvoir. Le Duce impose de par sa prestance. Vêtu de son bel uniforme, il apparaît comme l’homme fort au côté d

Aux origines de la galette bretonne

Chandeleur oblige, les crêpes sont de la partie ; et en Bretagne, qui dit crêpe, dit galette. L’histoire de la galette est étroitement associée à celle du blé noir, son principal ingrédient. C’est le parcours historique de cette céréale que nous allons retracer ici. Suivons à présent pas à pas la recette. Afin de réussir une bonne galette bretonne, accompagnons les croisés en Asie, au XIIe siècle. Après plusieurs milliers de kilomètres parcourus, des champs de fleurs roses s’étendent à perte de vue. Ce n’est pas un mirage, ni de simples fleurs d’ornement : les croisés découvrent le blé noir. Ils en prennent quelques plants, puis regagnent l’Europe avec des mules chargées de la précieuse semence. Mais le retour au Vieux Continent rime avec désillusion pour ces « chevaliers agricoles ». La culture de ce blé est exigeante et sa production reste faible. Néanmoins un espoir renaît du côté des exploitations d’une des régions françaises. Cet endroit est connu pour sa pluie :

Alexandre le Grand et Diogène: une rencontre de géant

Vous connaissez mon amour inconditionnel pour Alexandre le Grand. Aussi, aujourd'hui je vais vous conter un des épisodes qui m'a toujours marqué dans la vie du Macédonien : sa rencontre avec le célèbre philosophe cynique Diogène. De son entrevue, je crois, Alexandre en a retenu une leçon de vie qu'il essaiera, avec plus ou moins de bonheur ou de réussite, de s'appliquer tout au long de sa courte vie : l'humilité. Nous sommes en 335 avant notre ère. Alexandre n'est pas encore Alexandre le Grand et il n'a pas encore vingt-un ans. Pourtant, il est déjà craint par les Grecs... Bientôt par les Perses. En attendant, le jeune roi macédonien vient d'épater tous ceux qui doutaient encore de lui. Voilà quelques mois, son père Philippe mourrait sous les coups de couteaux de Pausanias - amant blessé - et la Grèce soumise décide alors de se révolter sous l'égide du meneur Démosthène et de la cité d'Athènes. Alexandre, fou de rage devant tant de traîtrise,

Hypatie d'Alexandrie, une femme seule face aux chrétiens

Alexandrie, ville de savoir ; ville de délices ; ville de richesses ! Et pourtant parfois, ville décadente et théâtre des pires atrocités faisant ressortir le vice animal, dénué de toute philosophie civilisatrice. En 415 de notre ère, cette Alexandrie, cité révérée et donnée en exemple, va connaître les premiers signes de sa décadence : elle assassine une des plus grandes savantes et philosophes de l’histoire de l'humanité, la belle et intelligente Hypatie. Née vers 370, Hypatie a environ dix ans lorsque l’empereur Théodose proclame la foi chrétienne comme étant la religion officielle de l’empire. Théodose met fin à un millénaire de stabilité religieuse et installe une religion qui tend à la prédominance   et qui, par l’intolérance qu’elle exerce, met l’empire en proie à des révoltes incessantes.  Moins d’un siècle suffira à le faire définitivement chuter ! Les chrétiens avaient été plusieurs fois massacrés – souvent injustement – servant de boucs émissaires quand la situation l’i

Le destructeur du nez du sphinx

Voilà bien longtemps que les hommes de la riche et nourricière terre d’Egypte le contemple. On vient également de loin pour se recueillir devant lui. Le Sphinx, cet être gigantesque que les plus grands hommes révèreront comme un dieu est un porte bonheur ! Né de la volonté du pharaon Khéphren, ce mastodonte taillé dans la roche garde depuis 2500 av. notre ère environ le plateau de Guizèh et ses somptueuses tombes : les pyramides de Khéops, Khéphren et Mykérinos. Le Sphinx parcourt les siècles avec aisance bien qu’il faille régulièrement le déterrer car le sable, inlassablement, vient le recouvrir jusqu’aux épaules. La chrétienté puis l’islam passent et le culte du dieu lion à tête d’homme s’éteint progressivement sans toutefois totalement disparaître. Les musulmans d’Egypte le considèrent tel un génie et l’admirent comme une œuvre d’art défiant la nature et rendant grâce au génie humain voulu par Dieu. Malheureusement, les belles heures théologiques, bien souvent plus intellectuelles