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La bataille de Shiloh


Après la prise des forts Henry et Donelson par Grant, les portes du Tennessee s’ouvrent. L’objectif du général Halleck est la prise de la ville de Corinth, afin de contrôler les lignes ferroviaires et constituer une base arrière. Il attend que les troupes de Buell et Grant se rejoignent pour marcher sur Corinth avec 75.000 hommes.
L’Etat-major sudiste estime indispensable de défendre Corinth, zone des principaux axes ferroviaires dans la vallée du Mississippi. Cependant, Beauregard veut repousser les Yankees hors du Tennessee. Il apporte un renfort de 42.000 hommes à Johnston. Les deux généraux veulent frapper avant la jonction de Buell et Grant. Les troupes de Beauregard sont peu aguerries aux longues marches forcées. De plus, les chariots ralentissent le convoi. Les troupes arrivent sur place avec deux jours de retard. Beauregard craint que les Yankees aient opéré leur jonction. Johnston rétorque qu’il n’est plus temps de reculer. Le 5 avril 1862, il ordonne les préparatifs pour l’attaque d’un important camp avancé des Yankees, dressé dans une plaine entrecoupée de forêts et de cours d’eau, près de la petite église de Shiloh, mot hébreux signifiant « lieu de paix ». Son but est d'attaquer l'aile gauche de Grant pour séparer l'armée nordiste du soutien de ses canonnières et la repousser dans les marais où elle pourrait être détruite.
En effet, Buell et Grant se sont effectivement bien rejoints à Savannah à plusieurs kilomètres au nord de Shiloh. Cependant, ils n’ont pris aucune précaution particulière, ne s’attendant pas à trouver des Rebelles après les défaites récentes qu’ils ont subies. Aucune tranchée n’est creusée. Les postes de guet et les patrouilles sont insuffisants pour détecter des mouvements à plus de cent mètres. Les deux armées nordistes et sudistes sont de taille équivalente. Cependant les Confédérés ne disposent que de vieilles armes. De plus, ils ont peu d’expérience du combat, contrairement aux Nordistes qui ont combattu à Fort Donelson.

Le 6 avril 1862 à 6h du matin, les Sudistes s’approchent furtivement du camp avancé. Le jour n’est pas encore levé et la majorité des Nordistes dorment encore. Certains sont tués dans leur lit. La mêlée s’engage et devient rapidement confuse. L’officier nordiste préfère se rendre pour éviter un bain de sang. Cependant, l’attaque, mal coordonnée, se réduisit à une simple charge frontale menée par une formation linéaire manquant de profondeur et de réserves pour progresser et occuper de manière efficace le terrain.
A 9h, Grant aperçoit des fuyards qui l’informent de la situation. Sans plus tarder, il ordonne le branle-bas de combat. Au front, le général William Sherman galvanise les troupes et organise les lignes défensives. Sa division, bien que subissant de lourdes pertes, parvient à contenir les Sudistes sur l’aile droite. Grant ordonne à Lew Wallace, le futur auteur de Ben-Hur, de mener son unité pour soutenir Sherman. Wallace emprunte un chemin différent de celui prévu. Lorsqu'il arrive sur place, il découvre que Sherman non seulement n’est plus là, mais qu’il se trouve derrière les lignes confédérées. Il décide de rejoindre sa position initiale pour retourner sur la zone des combats.
Le terrain boisé se situe dans une zone de rivières empêchant les grandes manœuvres. Les combats se font au corps à corps dans des espaces restreints. La progression sudiste est lente. Vers 14h30, Johnston est touché à la jambe. Considérant la blessure comme insignifiante, il ordonne à son médecin personnel de retourner s’occuper des autres soldats blessés. Une heure plus tard, il perd connaissance. Il est rapatrié vers l’arrière et décède suite à une hémorragie.
Les Sudistes ont repoussé les flancs de l’armée nordiste de trois kilomètres. Au milieu, la division nordiste du général Benjamin Prentiss constitue un noyau de résistance. Il faut un feu nourri d’artillerie pour les pousser à se rendre vers 17h30. Ce temps a permis à Grant de réorganiser sa ligne de défense et de faire monter des renforts sur la zone des combats, notamment les troupes de Wallace qui arrivent enfin. La nuit tombe sur les 40.000 Nordistes et 25.000 Sudistes toujours vivants. Les fortes pluies et les râles des agonisants ne permettent pas aux combattants de récupérer.
Le 7 avril à l’aube sous une pluie battante, Grant ordonne l’attaque. Vers midi à la suite d’âpres combats, il reprend le terrain perdu la veille. Refoulés de partout, les Sudistes perdent confiance. Beauregard réalise que ses troupes sont à court de munitions et que les pertes sont déjà élevées. Elles s’élèvent à près de la moitié, morts, blessés et prisonniers compris. Vers 14h30, il se replie derrière l’église de Shiloh et ordonne la retraite pour éviter d’être anéantis. Ses troupes rejoignent Corinth. Les Nordistes sont trop harassés pour les poursuivre. Le lendemain, Grant envoie Sherman en éclaireur le long de la route de Corinth. A dix kilomètres au Sud, il découvre un camp de blessés sudistes protégés par la cavalerie de Nathan Forrest. Une brève, mais violente escarmouche se produit, dans laquelle Sherman manque d’être capturé et Forrest tué. Les Sudistes s’enfuient en laissant leurs blessés sur place.

Shiloh est l’une des batailles les plus violentes de la guerre. Elle mit hors d’état 24.000 hommes pour les deux côtés (3.400 morts, 16.000 blessés et 3.000 disparus). Etant la première, elle a traumatisé les hommes qui l’ont vécue, aussi bien les soldats que les officiers. A l’époque, personne ne pouvait songer qu’il y en aurait d’autres aussi sanglantes. L'église originale ayant été détruite lors de la bataille, le bâtiment actuel est une réplique érigée en 2003.
Pour la Confédération, la mort d’Albert Johnston est une tragédie. Jefferson Davis le considérait comme son meilleur général. Il est l’officier le plus gradé à mourir au combat durant la Guerre de Sécession. Beauregard se replie vers Corinth, mais il ne défend pas la ville préférant continuer de se retirer. La ville tombe le 10 juin 1862. Cette décision lui coûte son commandement de l'armée du Mississippi et est remplacé par Braxton Bragg.
Côté nordiste, Grant est rendu responsable du nombre élevé de morts à Shiloh. Son penchant pour l’alcool revient sur le devant de la scène. Les journaux rapportent que le général aurait été ivre durant la bataille. Ils encensent la bravoure de Sherman et Buell et demandent le renvoi de Grant. Lincoln balaie toutes les critiques en répondant : « Je ne peux me passer de cet homme. Il se bat lui. » Sans nul doute une référence au général McClellan refusant de mettre en marche l’armée du Potomac.

Sources
Texte :
- Mc PHERSON James, La Guerre de Sécession, Robert Laffont, Paris, 1991, 952p.
- KEEGAN John, La Guerre de Sécession, Perrin, Paris, 2013

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